L’élection du premier secrétaire du Parti socialiste (PS) prend une tournure ubuesque. Le duel entre le sortant Olivier Faure et son rival, le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, a atteint un paroxysme dans la nuit du jeudi 19 au vendredi 20 janvier, quand les deux candidats ont revendiqué avoir remporté le scrutin désignant le prochain chef du mouvement.
Dans la matinée de vendredi, le PS a annoncé officiellement la reconduction d’Olivier Faure avec moins de 400 voix d’avance. Le premier secrétaire sortant a récolté 50,83 % des suffrages, contre 49,17 % pour Nicolas Mayer-Rossignol. Ce score s’appuie sur les résultats issus des fédérations et transmis à la commission d’organisation du congrès. Mais les deux camps s’accusent mutuellement d’irrégularités dans les votes et ont annoncé des recours et demandes d’annulation de vote dans des sections.
Selon M. Mayer-Rossignol, un millier de voix environ sont sujettes à caution. « Nous irons jusqu’au bout de l’épuisement de toutes les voies de droit pour faire valoir » cette victoire, a-t-il prévenu, demandant d’abord la tenue de la commission de récolement, et menaçant, faute de l’obtenir, d’aller devant la justice. Un peu plus tard, le porte-parole du parti, Pierre Jouvet, a également demandé « une réunion rapide » de cette commission, « afin d’établir le score réel d’Olivier Faure », qu’il estime autour de 54 %, « une fois les différentes irrégularités prises en compte ».
Après une journée de tensions, les camps des deux candidats se sont finalement mis d’accord pour se retrouver samedi à 13 heures au sein de la commission de récolement afin d’examiner l’ensemble des résultats et tenter de se mettre d’accord sur l’issue du scrutin. Une annonce saluée par Nicolas Mayer-Rossignol. « Sans [la commission de récolement] aucun résultat ne peut être proclamé. J’appelle une [nouvelle] fois au respect des militants, à la transparence apaisée, au rassemblement », a-t-il déclaré dans un tweet.
Course de vitesse dans la nuit
Vers 1 h 30 du matin, Nicolas Mayer-Rossignol avait été le premier à annoncer sa victoire à la presse. « Nous avons remporté ce résultat à hauteur de 53,47 % des voix sur 90 % des [suffrages] dépouillés », avait déclaré l’élu normand dans la nuit, ajoutant que l’écart avec son concurrent n’était « plus rattrapable ».
Quelques minutes plus tard, Olivier Faure faisait de même sur YouTube. Les militants « ont exprimé ce soir, par un vote clair, leur volonté de poursuivre le rassemblement de la gauche et des écologistes en me renouvelant leur confiance », assurait le premier secrétaire sortant.
Les deux camps s’accusent de nombreuses « irrégularités », telles que le bourrage d’urnes ou la présence de surveillants de scrutin non autorisés à entrer dans des bureaux de vote.
Selon la numéro deux du PS, Corinne Narassiguin, Olivier Faure arrivait légèrement en tête, autour de 52 %, selon les premières tendances portant sur « plus de 50 % des fédérations représentant plus de 50 % des votants ».
Ce sont « les seuls chiffres réels qui peuvent être compilés », a assuré le mandataire du candidat sortant, Pierre Jouvet, dénonçant une « déstabilisation inadmissible » de la part du camp adverse, et « des méthodes qu’on a trop vues outre-Atlantique », dans une allusion à la défaite jamais reconnue de Donald Trump à la présidentielle américaine de 2020. « Olivier Faure a remporté le scrutin avec certitude », a-t-il insisté.
A l’inverse, Nicolas Mayer-Rossignol affirmait que, même si quelques fédérations plus favorables à Olivier Faure n’étaient pas encore dépouillées, il obtiendrait dans le pire des cas 50,5 % des voix. Le maire de Rouen a demandé par ailleurs « l’annulation d’un certain nombre de résultats », en raison de contentieux, notamment dans la section de Liévin (Pas-de-Calais, environ 300 voix).
Des conséquences sur l’accord de la Nupes
Le vainqueur doit être officiellement intronisé lors d’un congrès dans une semaine à Marseille. Le résultat pourrait avoir des conséquences sur l’accord de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) conclu en mai 2022 pour les élections législatives avec La France insoumise, Europe Ecologie-Les Verts et le Parti communiste français.
Cette alliance a permis au PS de garder un groupe de trente-deux députés à l’Assemblée nationale, malgré l’échec historique à la présidentielle de la candidate du parti, Anne Hidalgo (1,7 % des voix au premier tour). Mais elle a profondément divisé le mouvement.
Olivier Faure défend sa stratégie d’une alliance à gauche « sans exclusive », seul moyen, selon lui, de faire barrage à la droite et à l’extrême droite en 2027. Nicolas Mayer-Rossignol, plus réservé sur cet accord, ne cache pas ses réticences vis-à-vis du parti de Jean-Luc Mélenchon. Il a le soutien de la troisième candidate, battue au premier tour, la maire de Vaulx-en-Velin (Rhône), Hélène Geoffroy, clairement hostile à la Nupes.
La bataille de chiffres va se poursuivre vendredi, comme lors du vote des militants sur le texte d’orientation, destiné à déterminer le rapport de force dans les instances du parti. Les adhérents avaient alors placé Olivier Faure en tête à 49,15 % des voix, contre 30,51 % pour Nicolas Mayer-Rossignol, et 20,34 % pour Hélène Geoffroy.
Soutenu par la maire de Paris, Anne Hidalgo, la présidente d’Occitanie, Carole Delga, et l’ex-président François Hollande, Nicolas Mayer-Rossignol affirme être le seul à pouvoir rassembler, sur une « voie centrale ».
Pour Olivier Faure, les résultats du premier vote ont prouvé que seuls 20 % des adhérents ont voté contre la Nupes, confortant de fait sa ligne. Son entourage affirme qu’il dispose déjà d’« une majorité absolue au conseil national » du PS (sorte de parlement de la formation), grâce à l’appui d’au moins soixante premiers secrétaires fédéraux, qui comptent pour un tiers dans la composition du conseil. Il s’agit d’une projection, le vote des premiers fédéraux n’aura lieu qu’en février.
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