Il y a cette histoire de bisou sur le front. Et puis, les petits surnoms, la main tenue dans la rue, les câlins, un « merci, je t’aime » lâché négligemment et retiré aussitôt, les petits déjeuners avec ses parents, des journées entières passées à traîner dans sa chambre… Pourtant, Lou (tous les témoins ont demandé à rester anonymes) n’était pas en couple avec le garçon qu’elle fréquentait. Elle ne l’a jamais été.
« J’ai essayé de lui parler pour mettre un mot sur la relation, se souvient la jeune femme de 23 ans, agente d’accueil dans une entreprise. Mais il m’a dit qu’il ne pouvait pas s’engager, qu’il n’était pas capable de me donner plus. » Et, en même temps, il lui répète qu’il a besoin d’elle, qu’il n’y a qu’avec elle qu’il se sent bien. Alors, elle reste.
Lou qualifie cette relation qu’elle a vécue lors de sa première année universitaire en 2019 de « situationship ». A l’époque, ce néologisme n’était pas encore sorti tout droit des méandres de l’Internet anglophone. Combinaison des mots « situation » et « relationship » (« relation », en anglais), le terme désigne une histoire sentimentale sans étiquette. Autrement dit, un couple qui n’en est pas un, un entre-deux relationnel sur lequel, par définition, on n’a pas mis de mots. « C’est une expression utile pour désigner un état des relations intimes qui, sinon, a du mal à être identifié en tant que tel », explique le sociologue Christophe Giraud.
Dans son livre L’Amour réaliste. La nouvelle expérience amoureuse des jeunes femmes (Armand Colin, 2017), il utilise le terme de « contrat sérieux-léger » pour désigner ces rapports du troisième type, qui ne relèvent ni de la relation sérieuse, engagée, exclusive, stable et amoureuse, ni de la relation légère, souvent sexualisée, sans sentiments ou volonté de faire couple. Relation intermédiaire qui précède le couple ou refus à long terme de contractualiser ses sentiments, le mot « situationship » permet d’englober un éventail de rapports auxquels s’identifient clairement les moins de 30 ans.
Sur le réseau social TikTok, prisé des plus jeunes, les hashtags autour du terme « situationship » cumulent près de sept milliards de vues. Points communs de cette expérience qui semble être partagée par de nombreux vingtenaires : l’absence de projection dans l’avenir, le manque de communication, l’asymétrie des sentiments… Dans leur morceau de 2022 Coup de vieux, les rappeurs français Bigflo & Oli brossent le portrait d’une génération qui « veut un coup d’un soir, mais qui dure deux ans ». La nouvelle génération aurait-elle un problème avec l’engagement ?
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