Les dernières vingt-quatre heures ont été “dévastatrices pour les forces gouvernementales afghanes”, écrit le New York Times. “Kandahar et Hérat avaient pourtant été ardemment défendues et les combats ont fait rage pendant plusieurs semaines. Mais chaque jour les forces de sécurité étaient un peu plus débordées, et beaucoup de soldats semblent avoir choisi de déserter, voire de changer de camp dans certains endroits.”

Selon le quotidien new-yorkais, “seules quatre villes importantes – dont la capitale Kaboul – sont encore contrôlées par le gouvernement, et deux d’entre elles sont assiégées par les talibans”.

La chute de Kandahar – donnée pour acquise par les agences AP et AFP – fait tomber dans l’escarcelle des talibans la deuxième ville du pays, tandis qu’avec Hérat, ils s’emparent d’un centre culturel et économique majeur, à un jet de pierre de l’Iran.

Quant à la conquête de Ghazni, “elle est déterminante” en raison de l’emplacement géographique de la ville, située “à 150 kilomètres de Kaboul, sur la grande autoroute Kaboul-Kandahar, reliant désormais les deux bastions insurgés du Sud à la capitale”, observe la BBC.

“Faciliter les évacuations”

L’avancée apparemment inexorable des talibans – qui ont lancé une offensive tous azimuts contre les forces gouvernementales en mai, dans la foulée de la confirmation du retrait des forces américaines et internationales – menace désormais directement Kaboul.

Craignant pour leurs ressortissants et notamment leur personnel diplomatique, les États-Unis ont annoncé jeudi l’envoi de 3 000 soldats pour défendre l’aéroport de Kaboul et “faciliter les évacuations”, rapporte le Washington Post.

Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, “s’est refusé à qualifier ce déploiement militaire de mission de combat, mais a précisé que les soldats d’infanterie et les marines disposeront de mitrailleuses, de mortiers et d’autres armes lourdes, et qu’ils auront l’autorisation de se défendre s’ils sont attaqués”, ajoute le quotidien américain.

Les États-Unis enverront également, la semaine prochaine, 4 000 soldats au Koweït et un millier au Qatar, pour servir de renforts éventuels. Ce sont donc, au total, près de 8 000 soldats américains qui seront de retour dans la région, alors que le retrait des troupes internationales d’Afghanistan doit s’achever le 31 août – il reste aujourd’hui 650 soldats américains dans le pays.

Vendredi, avec son gros titre “Le Saïgon de Biden”, le New York Post s’est fait l’écho des commentaires qui fleurissent sur les réseaux sociaux, comparant la décision de renvoyer des troupes à Kaboul à la chute de Saïgon en 1975, après la défaite américaine au Vietnam.

Dans un éditorial au vitriol, le titre conservateur rappelle qu’il était d’accord avec le retrait décidé par Donald Trump, puis confirmé par Joe Biden. “Mais tout retrait devait avoir un plan. Pas cette fuite absolument désastreuse, sans aucune disposition pour les Afghans qui ont travaillé avec nous pendant toutes ces années”, écrit le tabloïd. “Cela fait vingt ans que les présidents américains font des erreurs en Afghanistan. Mais cette déroute est entièrement celle de Biden.”

Crise humanitaire

Le gouvernement britannique, qui a annoncé l’envoi de 650 soldats pour aider, là encore, au rapatriement des Occidentaux, assure pour sa part continuer à jouer la carte diplomatique, relève The Guardian. Downing Street a ainsi “exhorté les talibans à reconnaître que s’ils espèrent une reconnaissance internationale, ils devront obtenir le soutien de la population afghane, ce qu’un assaut purement militaire ne leur apportera pas”.

Mais un porte-parole des talibans a déclaré à Al-Jazeera que “la chute rapide des grandes villes” était précisément la preuve que les insurgés “étaient bienvenus auprès des Afghans”. Les négociations de paix entre les talibans et le gouvernement afghan – contrepartie du retrait des forces internationales – sont au point mort et les insurgés, grisés par leurs victoires, ne semblent guère prêts à faire des concessions.

La chaîne qatarie révèle que le gouvernement afghan a même “proposé aux talibans un partage du pouvoir, à la condition que la violence cesse dans le pays”. Une offre restée sans réponse.

El País rappelle enfin que le conflit a déjà de lourdes conséquences humanitaires pour les civils, “qui fuient les combats et les talibans. L’ONU estime que, depuis le début de l’année, près de 390 000 personnes ont été déplacées en raison des violences. Et des milliers d’Afghans sont arrivés ces derniers jours à Kaboul, tandis que d’autres essaient de trouver refuge au Pakistan.”